Star Wars et la théorie de l’anneau : le chef d’œuvre de George Lucas

15/12/2015.John.0 Likes.0 Comments

Partie I. Section d’introduction: The Phantom Menace

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Selon les sept principes de la composition de l’anneau, énoncés par Mary Douglas dans Thinking in Circles, un anneau comprend généralement une section introductive qui présente les personnages et fournit le contexte pour les sections suivantes. Elle indique également les grands thèmes de l’œuvre. Après tout, un anneau, dit Douglas, c’est une « construction dite en parallèle qui doit introduire un thème, le développer, et le clore en reportant la conclusion à son début.” 1

Comme tout le monde le sait, ou presque, la saga Star Wars se compose de six longs métrages, répartis en deux trilogies (la trilogie originale et la prélogie). En tant que premier film de la saga, La Menace fantôme a la tâche peu enviable d’avoir une triple fonction. En tant qu’épisode initial de la trilogie, La Menace Fantôme doit fonctionner en tant qu’histoire indépendante, et mettre en place les deux prochains épisodes, à l’instar de l’épisode Un nouvel espoir, dans la trilogie originale. Mais La Menace Fantôme a aussi la responsabilité supplémentaire de préparer le terrain pour les trois films originaux, et donc la saga dans son ensemble, pas un mince exploit.

Tout devait être mis en place dans le script [de La Menace Fantôme], afin que les deux films suivants s’enchaînent parfaitement », dit Lucas. «Je devais aussi utiliser ce même script sur les trois films qui avaient déjà été faits, en m’assurant que tout était conforme, et que je n’avais pas oublié quelque chose. Il y avait une énorme quantité de détails dans ces films que je devais prendre en compte.” 2

Maintenant, si nous regardons les six films de la façon dont Lucas les a imaginé, c’est à dire comme un livre, ou « un film de 12 heures en six parties,” 3 alors La Menace Fantôme se présente comme un prologue, une sorte de section distincte qui raconte des événements précédant la trame principale, et qui donne un rappel historique important, mais aussi des paramètres, et des informations sur le personnage.

De ce point de vue, La Menace Fantôme:

  • Introduit plusieurs personnages principaux, sur la durée du film (12 heures), y compris le protagoniste (Anakin Skywalker / Darth Vader) et l’antagoniste (Palpatine / Darth Sidious).
  • Établit les bases de la saga, de la capitale mondiale de la galaxie Coruscant, et explique la politique de la galaxie (offrant un aperçu des rouages de la République, y compris le Sénat et le Conseil des Jedi).
  • Renforce le fondement de deux arcs principaux de l’histoire du film de 12 heures : la chute et la rédemption d’Anakin Skywalker, l’ascension et la chute d’une dictature militaire oppressive, l’Empire Galactique. (Le film fait un parallèle entre le basculement d’Anakin vers le côté sombre, et l’arrivée de Palpatine au poste de Chancelier Suprême – événement qui mène à la tourmente politique et la guerre dans les films suivants.)
  • Met en place l’un des éléments centraux de la saga (la lutte éternelle entre le côté lumineux des Jedi /et le côté sombre des Sith), le principal problème qui doit être résolu (rétablissement de l’équilibre de la Force), avec le personnage qui le résoudra.

La Menace Fantôme donne également l’impression d’être un prologue, à d’autres égards. Premièrement, contrairement aux cinq autres films, l’épisode I a lieu pendant une période de paix « relative » dans la galaxie, fournissant une sorte de base narrative pour les événements tumultueux qui suivront. Deuxièmement, certains événements du film, en particulier l’invasion de Naboo, semblent sans conséquence, et quelque peu déconnectés des principales intrigues de la saga, qui mèneront 10 ans plus tard à L’attaque des clones (bien sûr, rien ne pourrait être plus loin de la vérité).

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Le ton de l’épisode I permet également de distinguer le film des autres. C’est le plus léger et le plus enfantin de tous les films, conçu, en partie, afin de refléter l’innocence de Anakin en opposition avec sa descente aux enfers qui suit. L’épisode I est également le seul film de Star Wars à comporter un enfant au centre de l’histoire. En effet, dans les préquelles nous voyons Anakin à 9 ans (La Menace Fantôme), 19 (L’attaque des clones) et 22 (La revanche des Sith). Et dans la trilogie originale, nous voyons Luke à 19 ans (Un nouvel espoir), 22 (L’Empire contre attaque), et 23 (Le retour du Jedi). Donc, nous présenter Anakin à un si jeune âge, contribue clairement à séparer La Menace Fantôme du reste de la saga.

On devrait aussi probablement noter que, s’agissant de l’arc du personnage, La Menace Fantôme nous fournit une image intéressante d’Anakin, le présentant comme un jeune garçon innocent aux yeux écarquillés qui aime aider les autres et, de manière significative, « ne sait rien de la cupidité», selon sa mère.

Comme Lucas le souligne à juste titre, en réponse aux fans qui étaient déçus de voir Darth Vader, l’un des méchants les plus emblématiques du cinéma, décrit comme un gamin doux et mièvre dans La Menace Fantôme: « [Anakin] doit commencer bon et devenir mauvais. Vous ne pouvez pas avoir un monstre qui se transforme en monstre. Ce n’est pas une histoire.” 4

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Fait intéressant, certaines des critiques les plus virulentes de La Menace Fantôme confirment, sans le vouloir, l’idée que le film sert de prologue.

Par exemple, le blogueur Rod Hilton  » Machete Order » (un ordre de visualisation suggéré pour les films) nous dispense de regarder l’Épisode I, non pas dans le but de ne pas aimer le film (bien qu’il l’appelle «un échec à tous les niveaux possibles, mais aussi pour la même raison qu’un lecteur pourrait sauter le prologue d’un livre: Hilton pense que c’est juste une information inutile.” 5)

Heureusement, George Lucas a fait à tout le monde une faveur, en faisant de l’Épisode I une oeuvre totalement différente du reste de la série. Sérieusement, pensez-y une minute. Citez autant de choses que vous pouvez, se produisant dans l’Épisode I et qui pourraient étoffer l’histoire d’un épisode ultérieur ! L’Épisode I n’a pas d’importance. Vous pouvez commencer les préquelles avec l’Épisode II et ne rater absolument rien. Le générique d’ouverture de l’Épisode II établit tout ce que vous devez savoir sur les préquelles : un grand nombre de systèmes membres veulent quitter la République, ils sont conduits par le comte Dooku, et la sénatrice Amidala qui veut un vote pour savoir si la République va créer une armée. 6

Alors que Hilton et d’autres peuvent percevoir le film La Menace Fantôme comme facultatif, cet essai sera, je l’espère, la preuve du contraire, en montrant que l’Épisode I est un composant indispensable et essentiel à la conception de la série, et la structure de l’anneau. Il nous rappelle quelque chose que Lucas a dit une fois à Entertainment Weekly, tout en défendant le film: « beaucoup de choses se passent dans [La Menace Fantôme], elles font fonctionner l’histoire.” 7

Un autre aspect important d’une section d’introduction est qu’il doit familiariser le lecteur avec les grands thèmes de la composition de l’anneau. Connaître les thèmes aide à mieux comprendre ce qui suit dans le corps principal de l’œuvre. Et sans eux, il devient presque impossible de comprendre et d’interpréter l’anneau dans son entier.

Cela dit, La Menace Fantôme offre une étonnante richesse thématique, une mise en place de nombreux thèmes qui seront développés tout au long de la saga (et comme nous le verrons plus tard, ils correspondront directement à la fin de l’anneau). Par exemple, Lucas révèle dans le livre du making-of du film que «la dualité est l’un des principaux thèmes de La Menace Fantôme.” 8 Et, en tant que spécialiste du cinéma Anne Lancashire observe dans sa thèse sur l’épisode I, que la dualité est partout dans le film:

La grande galerie de personnages propose différentes sortes de sosies, qui indiquent métaphoriquement les côtés opposés de la nature humaine et / ou le potentiel de tout individu à se déplacer dans les deux sens. Il y a deux bons Jedi (Qui-Gon et Obi-Wan) et deux méchants Sith (Darth Sidious et Darth Maul) [soulignés plus loin dans la «règle de deux»]… Il y a deux Amidala, la reine publique « masquée » (également représentée comme un leurre, trompant même le public du film) et la vrai Padme … Il y a deux chanceliers, le Valorum faible et l’agressif Palpatine … Il y a deux «mères», la mère pleine d’abnégation d’Anakin, et la reine au comportement maternel, et parfois agressif Amidala. Il y a aussi deux peuples sur Naboo, les habitants épris de paix dirigés par Amidala et les Gungans guerriers associés au monde des eaux primitives 9

Les symbioses, ou formes de vie vivant ensemble dans une communion mutuelle, est un autre thème dans La Menace Fantôme. Et il est exprimé de différentes manières. Tout d’abord, à travers le concept de Midi-chlorians, qui sont des formes de vie microscopiques qui se trouvent dans toutes les cellules vivantes, et communiquent avec la Force mystique. Lucas explique:

Les midi-chloriens est une représentation simplifiée de la mitochondrie, des composantes nécessaires à la division des cellules. Ils ont probablement quelque chose à voir -on le saura un jour – avec les débuts de la vie et comment une cellule a décidé de devenir deux cellules avec un peu d’aide de cette autre petite créature, sans qui la vie ne pourrait exister. En d’autres termes, nous avons des centaines de petites créatures vivant à l’intérieur de nous, et sans elles, nous serions tous morts. Il n’y aurait aucune vie. Elles sont nécessaires pour nous ; nous sommes nécessaires pour elles. Cette métaphore, nous en dit beaucoup sur la société, comme quoi nous devons tous nous entendre les uns avec les autres. 10

La deuxième façon dont Lucas établit le thème de la symbiose est à travers la relation entre le peuple terrestre Naboo et les Gungans vivant dans l’eau:

Une des thématiques que l’on retrouve, est comment ces deux cultures se rencontrent, unissent leurs forces, deviennent amis et sont traités d’égal à égal. Au début du film, les uns refusent catégoriquement de parler aux autres. Ils ne veulent rien avoir à faire ensemble. Chacun d’entre eux est une sorte de société insulaire 11

L’autre thématique soigneusement tissée tout au long de l’épisode I, c’est la cupidité. Par exemple, le générique d’ouverture du film décrit une « gourmande Fédération du Commerce », un fait que Darth Sidious exploite au cours du film pour faire élire son alter-ego, le sénateur Palpatine, au poste de Chancelier Suprême. Qui-Gon utilise la cupidité de Watto le brocanteur à son avantage (« La cupidité peut être un allié puissant » dit-il), pour obtenir les pièces afin de réparer le vaisseau de la reine et libérer Anakin (encore une fois, qui «ne sait rien de la cupidité», dit sa mère). En outre, le sénateur Palpatine dit que le Sénat est plein de délégués « gourmands ». Et Yoda observe, que la peur d’Anakin de perdre sa mère laisse présager une avidité affective grandissant dans le cœur d’Anakin.

Enfin, l’équilibre émerge en tant que thème de premier plan dans le film, lorsque le Jedi suspecte qu’Anakin pourrait être « l’élu » de l’ancienne prophétie qui ramènera l’équilibre dans la Force. Le thème est également exprimé à travers les Naboo et les Gungans, dont les relations inquiétantes trouvent un équilibre à la fin du film, puisque les deux cultures ont retrouvé la paix après la bataille contre la Fédération du commerce. En effet, comme le souligne Lucas, l’équilibre entre le bien et le mal est «la philosophie dominante dans l’épisode 1—et dans tous les films Star Wars, d’ailleurs.” 12 (Et au cours de cette analyse, il deviendra clair que beaucoup de thèmes de Star Wars se rattachent directement au thème primordial de l’équilibre.)

À ce stade, je pense qu’on peut dire que La Menace fantôme répond aux exigences de la section d’introduction d’une composition de l’anneau. Donc, maintenant, nous allons voir comment Lucas a monté les films en parallèle, une paire après l’autre.

 

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Notes:

  1. Mary Douglas, Thinking in Circles: An Essay on Ring Composition, Terry Lecture Series, (New Haven: Yale University Press, 2007), preface, x.
  2. Laurent Bouzereau and Jody Duncan, The Making of “Star Wars: épisode I – La menace fantôme ,” (New York: Ballantine Publ. Group, 1999), 4.
  3. Jeff Jensen, “Plan of ‘Attack.’” Entertainment Weekly, May 17, 2002, 30.
  4. Jeff Jensen, “Star Wars Completes its Long Journey.” Entertainment Weekly, May 16, 2005,

    http://www.ew.com/ew/article/0,,1060829_3,00.html

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  5. Rod Hilton, “The Star Wars Saga: Introducing Machete Order,” Absolutely No Machete Juggling (blog), November 11, 2011,

    http://www.nomachetejuggling.com/2011/11/11/the-star-wars-saga-suggested-viewing-order/

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  6. Ibid.
  7. Jensen, “Plan of ‘Attack,’” 30.
  8. Bouzereau, Making of “Épisode I,” 8.
  9. Anne Lancashire, “La menace fantôme : Repetition, Variation, Integration,” Film Criticism 24, no. 3 (March 2000): 33-34.
  10. Evan Narcisse, “20,000 Per Cell: Why Midi-chlorians Suck,” Time, August 10, 2010,

    http://techland.time.com/2010/08/10/20000-per-cell-why-midi-chlorians-suck/

    .

  11. George Lucas, “Audio Commentary,” Disc 1, La menace fantôme , DVD, directed by George Lucas (Beverly Hills, CA: Twentieth Century Fox, 2001).
  12. Bouzereau, Making of “épisode I,” 8.
Categories: Théories
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